mercredi 23 avril 2014

#Gueststar Alain : Angkor des temples

Gamin, fou de livres et d'exploration, en voyageant avec Tintin, René Caillé, Indiana Jones (même si, alors, je n'étais plus tout à fait gamin !) ou avec Malraux, je rêvais de Macchu Pichu, de Petra, de Tombouctou ou d'Angkor...

Mon père, ton grand-père Clem, m'avait initié à ces voyages immobiles, lui qui durant la guerre écrivit deux livres d'exploration : "L'homme et la tente" et "Pirogues et pagaies" ... sans jamais sortir des bibliothèques parisiennes et des collections du musée de l'homme ...!

Macchu Pichu ? Nous avions eu la chance, en 1979, d'y passer une pleine journée sans autres touristes que nous, une grève générale isolant le site du reste du monde. Tombouctou n'a plus de place qu'à la rubrique politique étrangère...Petra ? Peut-être un jour !

Mais Angkor semblait si loin, dans ce pays ravagé par 20 années de guerre civile... Pourtant, nous y sommes et découvrons ce site de 400 km2 dans lequel se dissimulent -plus ou moins bien- des centaines de temples (et des milliers de touristes !).



Construits entre 600 et 1400, réalisant à travers les siècles une synthèse un peu iconoclaste entre bouddhisme et hindouisme, dans laquelle Shiva, Vishnu et Bouddha se côtoient dans la plus grande harmonie, loin des rois hindouistes qui faisaient disparaître les effigies de Bouddha, loin des batailles entre khmers, chinois, thais et chams, batailles contées dans le détail par d'immenses bas-reliefs, racontant aussi la vie de tous les jours, à différentes époques...


De la qualité de la roche utilisée -essentiellement du grès-, de l'exposition aux aléas climatiques, de l'envahissement par la végétation mais aussi de la période, dépendent la finesse et la sensibilité de chaque monument, mais le charme opère dans tous ceux que nous avons vu, nous ramenant à des images de jungle tentant d'absorber une civilisation sans y parvenir... Peut-être comme les sinistres khmers rouges avaient tenté d'anéantir un peuple entier...

Angkor ? Quelles images retenir ?
Angkor Vat emblématique, immense et majestueux qui s'affiche fièrement sur le drapeau national... ? Le Bayon où les 4 têtes de Vishnu sont représentées en majesté 54 fois (5+4=9), soit 216 visages (2+1+6=9)... ? 


Le Ta Prohm, un des temples où, depuis des centaines d'années, la végétation a repris sa place et où les fromagers sont devenus parties intégrantes de l'édifice, ne permettant presque plus de distinguer l'œuvre de l'homme de celle de nature...? Banteay Srei, le petit temple des femmes, à 30 km des grands sites, si émouvant au lever du soleil, si finement sculpté et dans lequel la présence des moines en robe safran nous rappelle que nous sommes des touristes dans un lieu sacré ?




Un réel bonheur d'avoir pu passer 3 jours au milieu de ces merveilles malgré la quantité et la diversité des touristes (Halte aux "selfies" et aux photos de sourires niais encadrés de doigts en V sur fond de merveilles millénaires !), malgré les sites pour la plupart non terminés et passablement abîmés par les années, la pollution, y compris celle des touristes, la nôtre... mais que les khmers rouges ont -miraculeusement ?- épargnés.


Malraux, tu eus sans doute tort de voler ces sculptures au Banteay Srei , mais fus-tu le seul ? En tout cas, ni le premier, ni le dernier... ! Mais, ta Voie Royale m'avait fait rêver... et aujourd'hui, la réalité est à la hauteur de mes rêves !
Et surtout, merci à mon père, grâce à lui et à travers ses livres et son importante documentation j'ai appris à connaître -un peu- et à aimer ces civilisations...

Alain

Merci Alain ! Nous rajoutons à ton article un extrait du livre de Loung Ung – D’abord, ils ont tué mon père (p84) :

« Le site d’Angkor Vat, plus de 250km² couverts de temples, a été édifié à partir de IXème siècle par de puissants rois khmers. Ces monuments élevés à leur propre gloire ont été terminés trois siècles plus tard. Au XVème siècle, après une invasion siamoise, Angkor Vat fut abandonné, livré à la jungle, et oublié jusqu’à ce des explorateurs français le redécouvrent au XIXème siècle. Depuis, les temples éprouvés par des batailles, avec leurs splendides statues et sculptures de pierre et leurs tours à étage, comptent parmi les sept merveilles du monde.

Je me souviens que, serrant très fort la main de papa, j’ai parcouru avec lui les larges couloirs décrépits. Les murs des temples sont décorés de magnifiques sculptures représentant des scènes de batailles et de la vie quotidienne de temps lointains. Les escaliers antiques sont gardés par de gigantesques animaux de granits : lions, tigres, nagas à huit têtes, éléphants… Des dieux en grès à huit bras assis en tailleur sur des fleurs de lotus veillent sur les bassins des temples. Sur les murs couverts de lianes de la jungle, des milliers de belles apsaras aux gros seins d’une rondeur parfaite, les reins ceints d’une simple bande de tissu, sourient aux visiteurs. Levant les bras, j’entoure de mes mains un des seins divins, sentant sous mes paumes la pierre rugueuse et fraîche ; prise d’un fou rire soudain, je retire prestement ma main pour me couvrir la bouche.

Papa me conduit vers une partie du temple où les arbres sont aussi gros que notre maison, et si hauts qu’ils semblent toucher le ciel. Les troncs tordus, les racines, les lianes s’enroulent autour des ruines comme de gigantesques boas constrictor, broyant et avalant les pierres qui ont basculé. Se tenant sur les marches branlantes, il me soulève jusqu’à la bouche noire du temple, semblable à une caverne. « C’est là que vivent les dieux, dit-il à voix basse. Si tu les appelles, ils répondront. » Craintivement, j’humecte mes lèvres et crie : « Chump leap sursdei, dthai pda ! » (Bonjour les dieux !) puis j’entoure de mes bras la jambe de papa lorsque les dieux me répondent : « Dthai pda ! Dthai pda ! Dthai pda ! ».

Khouy [son frère] dit que, dans ce temple, les soldats [Khmers Rouges] ont mutilé les animaux-gardiens, brisé ou détaché les têtes des dieux, tiré des balles dans leurs corps sacrés. Après la destruction des temples, les soldats ont parcouru la région pour trouver des moines et les forcer à se convertir à l’Angkar. Ceux qui refusaient étaient tués ou envoyés dans les champs de mine. Pour échapper à l’extermination, de nombreux moines ont laissé pousser leurs cheveux et se sont cachés dans la jungle. D’autres se sont tués lors de suicides de masse. Les moines s’occupaient des temples et les entretenaient. Ils sont de nouveau livrés à la jungle. Je me demande où vont aller les dieux maintenant que leurs maisons ont été détruites. »




































2 commentaires:

  1. Merci à vous deux pour ce joli choix d'images.... elles illustrent bien mon souvenir et mes impressions ....J'espère que chacun d'entre vous lecteurs, ressentira un peu du mythe d'Angkor....

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