vendredi 27 juin 2014

Tana Toraja : Mariage et Funérailles, âmes sensibles s’abstenir !

Lorsque nous posons le pied à l’auberge, notre hôte nous prévient qu’un mariage se déroule juste à côté. Pas le temps de traîner, nous allons jeter un œil…





L’objectif de notre journée en pays Toraja est de partir à la recherche d’un guide pour nous faire découvrir sa région. Pour cela la première étape est de passer par une sorte de speed-dating dans un restaurant de la ville, où les guides attendent les touristes.


La région est particulièrement connue pour ses traditions et rites animistes, notamment lors des funérailles. Leurs coutumes sont tellement différentes des nôtres qu’il est difficile de savoir par où commencer. Hasard des circonstances ou écho des cultures, il s’agit d’un moment d’autant plus particulier pour nous qu’il intervient le même jour que d’autres funérailles où nous ne pouvons malheureusement pas nous rendre du fait de notre éloignement…

Notre présence dans le village est bien acceptée, un membre de la famille vient nous saluer et nous offrir du thé et des biscuits. Il nous installe dans l’une des petites cabanes provisoires et numérotées qui entourent la place où auront lieu les festivités, le cercueil étant à l’honneur au centre bien à l’abri dans une maison traditionnelle. Nous avons du mal à comprendre comment notre présence ne les incommode pas, mais nous percevons qu’avoir de nombreux invités –qui plus est étrangers- est une chose positive. Sur les conseils du guide, nous remettons notre cadeau à la famille, i.e. une cartouche de cigarettes locales... Nous nous sommes vus proposer de venir avec un cochon ou un buffle d’eau, mais c’est un peu encombrant (et surtout un peu cher) !

Pour les défunts, avoir une cérémonie est la garantie du passage dans le puya (au paradis), il faut pour cela faire des sacrifices et les esprits des bêtes tuées serviront à les accompagner…
Les funérailles durent de deux à sept jours, suivant la classe sociale du défunt. Mais pour qu’elles puissent avoir lieu, des sommes considérables sont en jeu. Les familles et proches du village s’offrent entre eux des buffles (compter de 30 à 500 millions de rupiah pour un buffle noir ou tacheté, soit de 2 000 à plus de 30 000 euros) et des cochons (entre 500 000 et 3 millions de rupiah). S’en voir offrir un oblige à la réciproque le moment venu. Des sommes conséquentes sont au centre de la vie économique et sociale du pays Toraja…







Chose surprenante, les défunts ne sont pas considérés comme morts tant que la cérémonie n’a pas eu lieu. Et tant qu’il n’y pas assez d’argent, il n’y a pas de célébration… Vous commencez à voir le problème. Les personnes sont donc considérées comme « malades », mais continuent de vivre dans la maison. Il faut s’adresser à elles comme à des personnes vivantes, et même leur proposer un petit café ! Vivre avec une personne décédée (d’un point de vue médical) peut durer un certain temps, qui se compte en jours, mois, années… voire dizaines d’années. Pour rendre cela possible, les familles ont accès à du formol à l’hôpital et conservent ainsi leurs défunts chez eux, en attendant une cérémonie.
Notre guide nous expliquera qu’il a des funérailles prévues en septembre, soit dans trois mois, et qu’il doit s’organiser. Le « malade » restera dans sa maison pendant tout ce temps. Avoir une date de cérémonie trop proche peut mettre dans l’embarras si l’on n’a pas le temps de collecter l’argent pour acheter les bêtes à sacrifier…

Parlons des choses sérieuses : Les sacrifices. Nous avons assisté aux funérailles d’une personne de la classe sociale supérieure, c’est donc pas moins de 27 bêtes qui ont été offertes à la famille, 24 buffles et 3 cochons. La famille décidera de sacrifier 16 buffles et les 3 cochons, les 8 bêtes ayant échappé au massacre seront vendues sur le marché ou rendues à la famille qui l’a offert (oui, les cadeaux se négocient, en fonction des situations individuelles – pratique !).

Cela commence brutalement, nous apercevons un buffle en train de s’agiter au milieu de la place. Nous comprenons rapidement qu’il a reçu un coup de machette sous la tête, dans l’aorte. Son sang gicle de toute part, et sans attendre, c’est un second buffle qui s’agite, pour les mêmes raisons… Lorsque le « bourreau » est efficace, il ne faut que quelques secondes pour que l’animal tombe à terre. Lorsqu’il est plus timide, il doit s’y reprendre à deux ou trois fois avant que le buffle s’écroule, souvent secoué par de fortes convulsions. Rapidement, ce sont plusieurs bêtes qui se vident simultanément de leur sang, les buffles  se bousculent et  se tombent les uns sur les autres, certains prennent peur… L’un des bourreaux se prend une douche involontaire de sang, en étant positionné juste devant le buffle. C’est un carnage complètement bestial, un véritable bain de sang,.. Les trois petits cochons passant par-là se prennent également un coup de machette dans le flan et tombent au bout de quelques secondes…

Bientôt, c’est un véritable charnier que nous observons. Deux douzaines de bêtes sont mortes, le sang imprègne le sol et déjà les mouches commencent à se présenter.









Nous sommes ici pour découvrir une culture,  pour autant, nous aurions préféré qu’il y ait des chants, prières ou autres qui accompagnent le sacrifice. Nous n’avons pas ressenti une spiritualité ni de l’émotion dans ce moment. Nous nous rendons simplement compte que la scène à laquelle nous venons d’insister est pour les locaux d’une banalité désarmante, alors que nous avons difficilement vécu de nous trouver au milieu d’un abattoir à ciel ouvert.

Les bêtes seront dépecées et leur viande répartie entre les familles. Nous avons largement notre quota d’images sanglantes, il est temps de passer à autre chose, nous dirigeons vers le marché de Rantepao. 

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