dimanche 29 juin 2014

Fin de la Sulawesi, dernière étape à Bira !

La ville balnéaire de Bira n’est que peu connue, et essentiellement par les backpackers… c’est pour ça que nous nous y rendons ! La semaine, l’endroit est plutôt désert, mais les foules arrivent de Makassar le weekend. Les locaux et autres expats’ viennent s’y reposer. Il semble pourtant que malgré les investissements, la mayonnaise n’ait jamais pris auprès des touristes plus éloignés... Coup de chance pour nous, comme il s’agit du ramadan, les locaux sont restés en famille, nous avons la ville pour nous. Notre périple se poursuit avec Linda, mais le programme est plutôt relax, il nous faut rattraper le retard sur les vidéos des étapes précédentes.


Peu d’animation dans la ville, nous trouvons pourtant Bob, un local qui a investi dans un vidéo projecteur pour la coupe du monde. Nous investissons son salon pour regarder les matchs de notre équipe nationale… enfin pour ceux à minuit, la diffusion à 3h du matin piquant un peu les yeux le lendemain.

#FlashbackCoupeDuMonde : Il y a un mois, nous avions fait des prévisions en fonction du nombre respectifs des drapeaux soutenant les différents participants, le long de la route. Nous avions alors écrit : « L’Argentine, le Brésil, l’Allemagne et les Pays-Bas devraient se trouver en demi. Les deux pays sud-américains étant nettement les favoris de nos amis indonésiens. » Nous n’étions pas si loin, nous avions isolé les quatre derniers pays en lice !

Nous faisons connaissance avec une famille de Français, Laurent, Paule et Enzo, également à la découverte de la Sulawesi, mais nos chemins se séparent déjà, il nous faut retourner à Makassar pour continuer l’aventure ailleurs… 

Nous ne le savons pas encore, mais il nous reviendrons en France une courte semaine, en apprenant la perte d’une amie. Les mauvaises nouvelles s’enchaînent, il nous faut être présent pour nos amis, et nous avons également bien besoin de leur soutien… 







vendredi 27 juin 2014

Suite du Tana Toraja, ou l’histoire des 4 petits cochons…

Nous commençons le marché par le coin aux bestiaux... Des dizaines de buffles sont à la vente, des cochons de toutes tailles sont prêts à être emportés (dans des sacs pour les plus petits, attachés sur des planches pour les versions adultes). Parfois sur l’épaule, attachés la tête en bas sur un bambou ou encore ficelés à la mobylette, les Indonésiens sont inventifs et le transport de cochons assez cocasse.








Nous déambulons quelques temps entre les bêtes puis nous rejoignons la partie plus agréable du marché, au menu : fruits, légumes et autres douceurs. Notre guide veut nous faire découvrir quelques spécialités locales. Il est fier de nous offrir du vin de palme servi dans une tige de bambou. 


Nous ne trouvons pas cela très bon et nous lui offrons bien généreusement notre « verre ». Nous ne résistons pas aux biscuits, beignets de banane, riz cuit dans un morceau de bambou et surtout nous craquons pour des dadar que nous dégustons en pensant aux filles Giraud.

#KezakolesDadar : Crêpe verte à base de farine de riz, fourrée avec de la noix de coco râpée caramélisée dans du sucre de palme. Nous avions goûté ce dessert à Bali et la famille Giraud en était devenue rapidement fan. Blandine s’est même empressée de refaire la recette à peine rentrée à Barcelone.



Les stands se suivent et ne se ressemblent pas le long des rues. Les poissons frais côtoient les sacs de piments, les morceaux de viande séchée (et plein de mouches) jouxtent les étals d’épices. Nous apprécions l’ambiance, les couleurs et les odeurs (enfin pas vraiment celles des poissons séchés). Notre expérience du matin aux funérailles nous semble bien loin, nos yeux sont remplis d’images bien plus douces.






Notre journée continue à travers les villages de la région, nous découvrons les tombes creusées dans la roche, mais aussi les maisons traditionnelles avec leur forme si particulière au cœur des rizières. Nous écoutons notre guide nous raconter les us et coutumes Toraja, tout en nous essayant de nous imprégner des endroits que nous traversons.









  




Cette escapade dans la région Toraja, fraîche et aérée, nous a fait du bien. Nous apprécions ces changements d’atmosphère. 

Nous ne sommes pas encore remis de nos 21 heures de voyage, nous décidons de casser la tirelire et de nous offrir des billets chez une compagnie décrite comme la crème de la crème des bus de nuit, le billet nous coûtera presque 10 euros ! Nous devons avouer que nous ne sommes pas vraiment sereins et imaginons jusqu’au dernier moment voir débarquer une bétaillère empestant le jus de poisson, ou pire, le buffle sacrifié. Mais non, le bus est spacieux, les sièges confortables, des couvertures Minnie, Winnie l’Ourson et Bob l’Eponge sont délicatement posés à notre place. Nous restons surtout étonnés face à la ponctualité, c’est la première fois que nous partons en avance… Deux épisodes de Breaking Bad plus tard, nous nous armons de nos boules Quiès et de nos masques de nuit pour rejoindre Morphée. Nous sommes réveillés à 5h30 du matin, c’est l’arrivée à Makassar…plus tôt que prévu au terminal de bus, désert en pleine nuit noire. Il nous faut quelques minutes pour nous réveiller et comprendre qu’il y a plusieurs terminaux de bus… et que nous ne sommes évidemment pas dans le bon pour continuer notre route ! Nous traversons la double voie, montons dans un taxi. Le chauffeur pense transporter des ministres puisqu’il klaxonne presque en continu (surement ce qui se rapproche le plus d’une sirène..) et franchit la barre des 100km/h, ce qui n’était pas arrivé depuis bien longtemps. Nous arrivons au nouveau terminal de bus, nous entassons dans une voiture pour Bira et partons pour quelques nouvelles heures de route. Nous n’en revenons pas : tout s’est enchaîné en moins de 30 minutes… Une grande première !

Au bout de 3 heures de route à rythme effréné, le chauffeur nous indique être arrivé à Bira. Troisième surprise de la journée, nous pensions mettre 5 heures et nous voilà plus tôt que prévu à destination (on va commencer à s’y faire !), à nous le soleil et la plage !

Tana Toraja : Mariage et Funérailles, âmes sensibles s’abstenir !

Lorsque nous posons le pied à l’auberge, notre hôte nous prévient qu’un mariage se déroule juste à côté. Pas le temps de traîner, nous allons jeter un œil…





L’objectif de notre journée en pays Toraja est de partir à la recherche d’un guide pour nous faire découvrir sa région. Pour cela la première étape est de passer par une sorte de speed-dating dans un restaurant de la ville, où les guides attendent les touristes.


La région est particulièrement connue pour ses traditions et rites animistes, notamment lors des funérailles. Leurs coutumes sont tellement différentes des nôtres qu’il est difficile de savoir par où commencer. Hasard des circonstances ou écho des cultures, il s’agit d’un moment d’autant plus particulier pour nous qu’il intervient le même jour que d’autres funérailles où nous ne pouvons malheureusement pas nous rendre du fait de notre éloignement…

Notre présence dans le village est bien acceptée, un membre de la famille vient nous saluer et nous offrir du thé et des biscuits. Il nous installe dans l’une des petites cabanes provisoires et numérotées qui entourent la place où auront lieu les festivités, le cercueil étant à l’honneur au centre bien à l’abri dans une maison traditionnelle. Nous avons du mal à comprendre comment notre présence ne les incommode pas, mais nous percevons qu’avoir de nombreux invités –qui plus est étrangers- est une chose positive. Sur les conseils du guide, nous remettons notre cadeau à la famille, i.e. une cartouche de cigarettes locales... Nous nous sommes vus proposer de venir avec un cochon ou un buffle d’eau, mais c’est un peu encombrant (et surtout un peu cher) !

Pour les défunts, avoir une cérémonie est la garantie du passage dans le puya (au paradis), il faut pour cela faire des sacrifices et les esprits des bêtes tuées serviront à les accompagner…
Les funérailles durent de deux à sept jours, suivant la classe sociale du défunt. Mais pour qu’elles puissent avoir lieu, des sommes considérables sont en jeu. Les familles et proches du village s’offrent entre eux des buffles (compter de 30 à 500 millions de rupiah pour un buffle noir ou tacheté, soit de 2 000 à plus de 30 000 euros) et des cochons (entre 500 000 et 3 millions de rupiah). S’en voir offrir un oblige à la réciproque le moment venu. Des sommes conséquentes sont au centre de la vie économique et sociale du pays Toraja…







Chose surprenante, les défunts ne sont pas considérés comme morts tant que la cérémonie n’a pas eu lieu. Et tant qu’il n’y pas assez d’argent, il n’y a pas de célébration… Vous commencez à voir le problème. Les personnes sont donc considérées comme « malades », mais continuent de vivre dans la maison. Il faut s’adresser à elles comme à des personnes vivantes, et même leur proposer un petit café ! Vivre avec une personne décédée (d’un point de vue médical) peut durer un certain temps, qui se compte en jours, mois, années… voire dizaines d’années. Pour rendre cela possible, les familles ont accès à du formol à l’hôpital et conservent ainsi leurs défunts chez eux, en attendant une cérémonie.
Notre guide nous expliquera qu’il a des funérailles prévues en septembre, soit dans trois mois, et qu’il doit s’organiser. Le « malade » restera dans sa maison pendant tout ce temps. Avoir une date de cérémonie trop proche peut mettre dans l’embarras si l’on n’a pas le temps de collecter l’argent pour acheter les bêtes à sacrifier…

Parlons des choses sérieuses : Les sacrifices. Nous avons assisté aux funérailles d’une personne de la classe sociale supérieure, c’est donc pas moins de 27 bêtes qui ont été offertes à la famille, 24 buffles et 3 cochons. La famille décidera de sacrifier 16 buffles et les 3 cochons, les 8 bêtes ayant échappé au massacre seront vendues sur le marché ou rendues à la famille qui l’a offert (oui, les cadeaux se négocient, en fonction des situations individuelles – pratique !).

Cela commence brutalement, nous apercevons un buffle en train de s’agiter au milieu de la place. Nous comprenons rapidement qu’il a reçu un coup de machette sous la tête, dans l’aorte. Son sang gicle de toute part, et sans attendre, c’est un second buffle qui s’agite, pour les mêmes raisons… Lorsque le « bourreau » est efficace, il ne faut que quelques secondes pour que l’animal tombe à terre. Lorsqu’il est plus timide, il doit s’y reprendre à deux ou trois fois avant que le buffle s’écroule, souvent secoué par de fortes convulsions. Rapidement, ce sont plusieurs bêtes qui se vident simultanément de leur sang, les buffles  se bousculent et  se tombent les uns sur les autres, certains prennent peur… L’un des bourreaux se prend une douche involontaire de sang, en étant positionné juste devant le buffle. C’est un carnage complètement bestial, un véritable bain de sang,.. Les trois petits cochons passant par-là se prennent également un coup de machette dans le flan et tombent au bout de quelques secondes…

Bientôt, c’est un véritable charnier que nous observons. Deux douzaines de bêtes sont mortes, le sang imprègne le sol et déjà les mouches commencent à se présenter.









Nous sommes ici pour découvrir une culture,  pour autant, nous aurions préféré qu’il y ait des chants, prières ou autres qui accompagnent le sacrifice. Nous n’avons pas ressenti une spiritualité ni de l’émotion dans ce moment. Nous nous rendons simplement compte que la scène à laquelle nous venons d’insister est pour les locaux d’une banalité désarmante, alors que nous avons difficilement vécu de nous trouver au milieu d’un abattoir à ciel ouvert.

Les bêtes seront dépecées et leur viande répartie entre les familles. Nous avons largement notre quota d’images sanglantes, il est temps de passer à autre chose, nous dirigeons vers le marché de Rantepao.